On remet ça… (Michel Ecoffard 16/11/18)
Comme tu as pu le constater, notre action s’était ralentie ces tous derniers mois.
Mais cette fois on remet ça…
De quoi j’ai envie ? Une idée folle.
Essayer de remettre en action la grande effervescence sociale, ou sociétale, qui animait avant un certain milieu théâtral.
Ça risque de faire un peu pompeux, mais tant pis. Fait pompeux qui veux.
Quand je te dis avant, je ne veux pas sous entendre que c’était mieux avant. Mais simplement constater la réalité de l’enfermement sur soi, de la non communication entre générations, etc….
Je ne sais pas ce que tu en penses, si tu n’es pas un tout petit peu d’accord avec ce que tu viens de lire, ce n’est pas la peine de continuer!
"Je te propose de t’« emparer » de l’art du théâtre"
Je te propose de t’« emparer » de l’art du théâtre.
Cet art qui permet de donner la parole à ceux qui l’ont si peu.
Et peut être tout simplement d’oser parler. Je parle de la qualité nécessaire pour parler. Pas seulement pour dire un texte sur une scène mais dans le quotidien.
Pour moi un individu normal est quelqu’un qui même s’il l’ignore ou n’ose le prononcer, a des avis sur le monde.
Donc, en résumé, si tant est que tu aies eu la patience de lire mon discours quelque peu embrouillé :
Je veux former, je ne sais pas très bien comment l’appeler, pour l’instant on va dire une équipe théâtrale.
Equipe, ça fait un peu prolo, mais aussi un peu catho, mais aussi un peu facho. A étudier avec toi….
Ci-dessous je suis bien obligé de reprendre un ton administratif …
Le Projet :
En restant ce que nous avons été et sommes toujours : des gens impliqués.
Former un groupe de théâtre semi professionnel.
Ce projet passera bien évidemment par un théâtre régulier.
Nous lançons un appel à toute personne qui serait intéressée par cette proposition.
Nous souhaiterions des personnes de tous âges et de toute condition sociale. Nous avons un peu la crainte que puisse intervenir une donnée économique pour certains.
C’est pourquoi l’action (atelier théâtre, conception et représentation bénéficiera d’une totale gratuité.
Précisons que l’adhésion à ce programme nécessitera une rencontre avec l’équipe du Théâtre de la Chimère.
Pourquoi ? Il nous faut dès le début s’assurer du réel désir d’acter, de l’engagement à la continuité et du potentiel des volontaires.
C’est pas mon truc de rédiger ce genre de texte mais cela me semble indispensable d’indiquer ma totale implication dans ce projet.
Salut et fraternité
Michel Ecoffard
Post Scriptum :
Si tu es intéressé, contacte-nous par téléphone, par mail, sur Facebook ou sur le site, ou tout autre moyen que tu inventeras.
Nous envisageons une réunion vers la fin du mois de novembre.
Les activités se dérouleront à la P’tite Chimère.
Tu peux peut-être te demander quelles pièces, quels thèmes.
Nous le déciderons en commun.
Pour ma part, je pense que vue la situation actuelle, je proposerai celui des migrants qui constitue l’un des axes principaux de l’extrême droite.
A ce propos nous proposerons à une date que nous vous indiquerons ultérieurement d’assister à une lecture spectacle de la pièce de Jacques Kraemer « les immigrés ». Étrangement, nous (Théâtre de la Chimère) avons monté cette pièce dans les années 1974.
Post Post Scriptum:
un peu plus haut je dis « extrême droite » alors que l’on pourrait dire « l’extrême droite un peu déployée du côté de la droite ». Egalement je rajoute que cette poussée anti-migrants s’accompagne du renouveau de l’antisémitisme.
Sur ce thème, rassure-toi il ne s’agira pas de grands discours, de grandes théories, mais de raconter ce qui a été ainsi que ce qui est et d’éviter ce qui sera.
Alerter pour que ce racisme ne vienne pas à nouveau gangrener notre quotidien.
C’est sur ce quotidien que nous espérons pouvoir agir.
Cette proposition est l’une parmi d’autres qui pourrait être choisie par toi.
Je ne sais pas si tu connais ce texte de Prévert,
mais même dans ce cas je pense que tu peux le relire.
Étranges Étrangers
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
Hommes des pays loin
Cobayes des colonies
Doux petits musiciens
Soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
Brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
Ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
Au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
Embauchés débauchés
Manœuvres désœuvrés
Polacks du marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
Pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
Rescapés de Franco
Et déportés de France et de Navarre
Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
La liberté des autres.
Esclaves noirs de Fréjus
Tiraillés et parqués
Esclaves noirs de Fréjus
Qui évoquez chaque soir
Dans les locaux disciplinaires
Avec une vieille boîte à cigares
Et quelques bouts de fil de fer
Tous les échos de vos villages
Tous les oiseaux de vos forêts
Et ne venez dans la capitale
Que pour fêter au pas cadencé
La prise de la Bastille le quatorze juillet.
Enfants du Sénégal
Dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
Jongleurs aux innocents couteaux
Qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
De jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
Qui dormez aujourd’hui de retour au pays
Le visage dans la terre
Et des hommes incendiaires labourant vos rizières.
On vous a renvoyé
La monnaie de vos papiers dorés
On vous a retourné
Vos petits couteaux dans le dos.
Etranges étrangers
Vous êtes de la ville
Vous êtes de sa vie
Même si mal en vivez
Même si vous en mourez.
Jacques Prévert
